mercredi 4 juin 2008

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L’art contemporain et la télévision ont presque le même âge. Les premiers postes ont été inventés une dizaine d’années après les premiers ready-made. Et ce n’est peut être pas là une coïncidence. Car aussi différents qu’ils puissent sembler art contemporain et télévision conserve des traits en commun.
Tous deux fixent leur propre vision du monde, et un autre rapport au présent et un lien fort s’est directement crée entre ces différents médiums.

De nombreux artistes, depuis les années 60 jusqu’à aujourd’hui explorent l’imaginaire et l’économie de la télévision, revisitent ses dispositifs architecturés(- le studio d’enregistrement, le plateau- télé-...) son esthétique, ses situations de discours. Les critiques impitoyables dont elle est l’objet sont à la mesure de la place qu’elle occupe dans nos vies et dans nos sociétés : la télévision est partout, mais semble toujours nous dépasser.
À chaque nouvel événement, conflit armé, fait divers ou débat politique relayé par les journaux télévisés, nous hésitons entre l’attrait du choc des images leurs possibles manipulations.
En introduisant des téléviseurs et des projecteurs vidéos dans les musées et les galeries d’art, les artistes ont accompagné le développement du mass media.
Ils partagent notre ennui, notre fascination ou notre irritation ; en tant qu’artistes, ils questionnent, comme Walker Evans et Picabia ont pu le faire dans les années 1930 avec l’imagerie populaire, le rapport à ce nouveaux type de diffusion d’image de masse. Nous invitant à prendre nos distances avec les charmes du petit écran, ils nous donnent à voir autrement le monde et ses images mêmes.
Car depuis l’émergence du mass média (comme Derida les images sont devenues le monde)
Rarement acteurs de la télévision, les artistes restent des spectateurs attentifs au flux d’images télévisuelles, cherchant une réutilisation de ces images et de ces sons, apportant des nuances a ce pouvoir audiovisuel. Les artistes ont très vite considéré qu’elle faisait partie intégrante de la culture, pour le meilleur et pour le pire, rêvant d’en faire un nouvel espace libre de création. Effrayante boite à images, «la télé-vision» a pour but de nous faire voir. Source de divertissement ou d’information, la télévision s’impose comme le symbole d’une société de l’image. Ce n’est pas tant la programmation qui importe mais plus l’influence et les changements que le médium télévisuelle a appliquer à notre mode de vie. La télévision s’impose comme une énorme source de référence, les artistes contemporains ayant sûrement passé plus de temps devant leur petit écran que devant des tableaux.Attirés par ce nouveau média intergénérationnel, de nombreux artistes propose des œuvres prêtes à être diffusées et ce dès 1930. Charles Blanc Gatti par exemple joue avec le son et l’image, essai sur la perception et la technique audiovisuelle: il retranscrit les sons par des couleurs, chaque octave ayant une gamme chromatique et chaque note une couleur appropriée. Charles Blanc Gatti essaide s’approprier. Il sera un des premiers à utiliser cette nouvelle technique audiovisuelle, et son oeuvre sera d’ailleur plagiée par l’industrie du cinéma pour Fantasia de Walt Disney. A la manière de Charles Blanc Gatti, Nicolas Schöffer, lui, s’interroge dans les années 1970 sur la dimension quasi-magique de la télévision dans une émission de jeux de lumière psychédéliques. Il réfléchit sur le rapport et l’influence des couleurs et de l’image «mouvement» à l’esprit humain et par là (voir vidéo de variation luminodynamique2), il éventualise la télévision comme un instrument de bien être social. Il y a donc dès le départ une attirance des artistes pour la télévision, une envie irrémédiable d’accéder à ce média qui touche toute les strates de la société.La télévision devient aussi un moyen pour certains artistes de faire connaitre leurs œuvres en créant des partenariats avec certaines chaînes. Cependant si les chaînes prétendent sortir de l’ordinaire dans ce type de production, le médium impose le format au détriment de l’oeuvre elle même, en 1961 Piot Kamler interroge le rapport de l’image et du son, en créant des images stroboscopiques, œuvre visuelle et esthétique qui servira d’interlude entre deux émissions télévisées.
De nombreux artistes cherchent au contraire à pousser le public à prendre du recul vis à vis du petit écran. Michael Asher par exemple entreprend de dévoiler le fonctionnement interne du média en plaçant durant une émission de 30mn une caméra dans les coulisses de la production, cherchant à montrer comment se fabrique la télévision au quotidien.
La télévision est donc simultanément un lieu de création et un véritable sujet d’étude dont les artistes cherchent à en comprendre la structure pour pouvoir s’en affranchir.
Autrement dit comment exploiter la télévision à des fins artistiques et ainsi rendre l’art accessible à tous ?
En 1960, le pari fut relevé, par l’Allemand Gerry Schum (1938-1973).
Après des études de cinéma et quelques tournages de documentaires, Gerry Schum, âgé de trente ans, se voit offrir par la chaîne Sender Frei Berlin (SFB) un contrat de réalisation pour un programme télévisuel intitulé « Fernseh-Galerie ». Peu convaincu par le concept de base - la simple diffusion de films destinée à désenclaver géographiquement et culturellement la ville de Berlin - mais pleinement conscient de l’extraordinaire potentiel de l’offre, il accepte.
Profitant de son nouveau statut, Schum transforme, d’emblée, ses locaux en lieu d’exposition. Une galerie d’art télévisuel vient de naître. Il lui est alors possible d’exaucer son souhait le plus cher : « confronter le public de masse aux tendances actuelles de la scène artistique internationale ». Très idéaliste (sans doute trop, mais le contexte révolutionnaire est là…), il pense que sa galerie pourra élargir le public de l’art et que la communication instantanée d’œuvres enregistrées mettra un terme aux collections privées, véritables étouffoirs de l’art.
Un coup d’essai mitigé : l’exposition télévisuelle « Land Art »
Le vernissage de l’exposition inaugurale de la Fernseh-Galerie - intitulée « Land Art » - a lieu, le 28 mars 1969, dans le studio C de la SFB. En survolant du regard les cimaises du Couvent des Cordeliers, il est aisé de se faire une idée de la scénographie déployée à l’époque : des photographies de tournage sobrement accrochées et des postes de télévision soigneusement encastrés dans les murs.
L’exposition met à l’honneur huit jeunes artistes américains et européens du Land-Art, alors inconnus : Marius Boezem, Jan Dibbets, Michael Heizer, Barry Flanagan, Richard Long, Walter de Maria, Dennis Oppenheim et Robert Smithson. Pour eux, la vidéo est une aubaine incroyable. Elle leur apparaît comme la panacée pour se libérer des médiums traditionnels trop restrictifs : « tous leurs projets ont en commun un élargissement extrêmement accentué du plan pictural : les grands espaces ont remplacé la toile du peintre. »
L’originalité des propositions est remarquable : Jan Dibbets trace sur le sable un gigantesque motif géométrique à l’aide d’un bulldozer, Robert Smithson installe des miroirs entre des pierres sur une plage parsemée de neige, Walter de Maria tend une ficelle dans un désert californien au sol craquelé…
En tout, quatre cents mètres de pellicule et trois mois de tournage auront été nécessaires pour élaborer le moyen métrage intitulé Land Art. Le 15 avril 1969 à 22h40, celui-ci est télédiffusé sur la première chaîne allemande, introduit par quelques séquences du vernissage (discours de Schum et de Jean Leering, le directeur du Stedelijk Museum d’Amsterdam). Bilan assez favorable: trois pour cents de part de marché, soit cent mille téléspectateurs. On pourrait imaginer le succès de l’initiative imminent mais non…
Gerry Schum est borné et il a désobéi à son employeur. Pour lui, il était hors de question de faire de sa vidéo un documentaire et elle devait rester sans commentaire (un genre nouveau devait émerger : le film télévisuel à la fois médium et vecteur de l’art). La sanction est immédiate : la chaîne rompt de manière irrémédiable son partenariat.La télévision montrait dès lors ses limites comme lieu de création.
Le format proposé est donc plus fonction des contraintes du média que des attentes des artistes. L’artiste se doit de se plier au exigences du petit écran, limitant sa créativité et l’envergure de son interventions. Toutefois certains essaieront de dépasser ce formatage, comme Peter Weibel qui demande lors d’un concours d’artiste sur une chaine autrichienne de pouvoir changer le canal de la chaîne, forçant le spectateur à régler son téléviseur tout en demandant au présentateur du journal télévisé d’annoncer les nouvelles de l’année précédente un cigare à la bouche, le laissants’étouffer comme dans un bocal. Ils cherchant ainsi à distancier le public de son petit écran.

Fred Barzyk, lui diffuse en 1969 une émission sur la chaîne canadienne WGBH une émission intitulée «The medium is the medium» dans lasquelle il présente des artistes à la manière de Gerry Schum. Une des séquences documente un happening de l’artiste John Kaprow dans le Massassuchussetts, dans lasquelle il confie à des persones un kit audiovisuel. Se répondant chacun «Hello» tantôt amusés, tantôt effrayés, il se font écho illustrant une communication qui tourne àvide.

A vouloir donner au public les moyens de comprendre et d’analyser le média télévisuel, les artistes se heurtent aux réticences et aux contraintes des décideurs des chaînes.
Cette utopie de l’intervention artistique qui s’intègre dans le champ de la programmation télévisuelle se verra dès lors très affaiblies, et par la suite les artistes tenteront de trouver des moyens alternatifs d’insertion dans le paysage audiovisuel.

En 1975, le collectif «Ant Farm» envoi une Cadillac customisée dans un mur de téléviseurs («Media Burn») le jour de la fête nationale, appelant les médias à venir assister à l’évènement , ils reussissent ainsi à atteindre la sphère télévisuelle à l’insu de ceux qui l’a contrôlent. Ce happening se déroule à la manière d’un show télévisé, public, journalistes, décor, tout les ingrédients d’un programme télé sont repris.
Certaines de ces structures alternatives sont encore actives aujourd’hui mais davantage présente sur le net comme «Paper Tiger Television» qui remet en cause la partialité de la vision des médias américains dans des conflits.D’autres expériences alternatives sont menées parallèlement à la télévision. Le système même de production va en effet devenir un nouveau terrain d’investigation: le plateau. Pierre Huyghe cherche, à travers sa «Mobil Tv», à créer un lieu de discussion et d’expérience en lançant un débat filmé et en invitant plusieurs personnes à travailler chaque jour avec lui, se penchant ainsi sur nos habitudes quotidiennes.
A travers cette démarche, l’artiste tente de recréer un lien entre les deux réalités subjectives que sont la réalité télévisuelle et la réalité quotidienne et questionne la place de l’une dans l’autre. Des œuvres comme celle-ci marqueront un lien fort entre les nouveau média et l’art relationnel, à la manière du pavillon français de la biennale de Venise dans lequel est recréer un plateau de télévision.
Durant les années 90, la télévision devient réellement une source d’inspiration et une esthétique forte pour les artistes , eux même forment la première génération «télévision».
Richard Serra par exemple se réapproprie la télévision d’une manière plus minimaliste. Il l’utilise sans l’attrait de l’image en y faisant défiler des bribes d’un rapport officiel sur l’économie générée par la télévision et le mass média qu’ellereprésente. Travail purement typographique sans aucun volonté d’esthétisme, allant à contre courant du côté séducteur de l’image télévisuelle.
Avec cette esthétique minimale Serra remet en cause la capacité de la télévision à donner une certaine image du monde, «Télévision delivers people». Cette œuvre est fondamentale dans la critique des médias populaires. Serra utilise la télévision pour la retourner contre elle même et dénoncer l’étouffement politique et idéologique du mass-media.
Comme le spectateur devant sa télévision l’artiste est dans un schéma ambivalent et oscille entre attraction et répulsion.Plutôt que de rentrer dans les cases de programme dédiés à leur pratique, ou de s’opposer frontalement au système audiovisuelle, certains artistes cherchent à s’y introduire, soit en faisant mine de jouer son jeu, soit en profitant de ses failles afin de les détourner. Il s’agit, somme toute, d’essayer de dynamiter la télévision de l’intérieur, pour mieux faire éclater au grand jour ses mécanismes, quitte à s’en faire complice.
Donner un moment de répits, de repos, une minute blanche sur «Télé midi» par Fred Forest; ou des portraits de téléspectateur utilisé en interlude par Bill Viola, replaçant le public face à lui même cherchant à suspendre l’effet d’appel que cherchent à imposer les spots publicitaires.
Il s’agit à travers ces démarches de réellement questionner le flux télévisuel et sa réception, mais surtout une volonté de dénoncer la manière dont nous est imposé l’information, le divertissement ou la publicité à un rythme effréné.
Ces démarches s’inscrivent au sein de la programmation audiovisuelle avec l’accord des diffuseurs; une autre démarche serait donc de s’immiscer au sein même du réseau publicitaire et à ce titre un artiste sulfureux tels que Chris Burden célèbre alors pour ses performances violentes va acheter un espace publicitaire sur une chaîne américaine et y diffusé une de ses performances ou il rampe au sol sur 15m de verre pilé, image cauchemardesque calée au milieu des sourire parfaits des réclames.
Burden cherche à choquer, interpeller par la violence de ces images, bouger le spectateur. Cependant nous pouvons nous interroger sur la réception de ce genre de démarche et dans quelle mesure ces performances puissent être reprises par le système télévisuel.

En 1972, le même Chris Burden va réaliser une performance en direct, toujours dans sa lignée d’image choquante il va prendre en otage couteau à la main une journaliste qui réalisait son interview .
L’artiste cherche ainsi à se mettre en opposition aux images et à la bienséance du monde télévisuelle.
D’autres artistes cherche moins à créer une rupture; ainsi un artiste comme Daniel Buren lui s’immiscera dans la télévision en réalisant le décor du journal télévisé de France3, il va tout d’abord recouvrir juste le cadre dans lequel s’inscrit la présentatrice puis petit à petit recouvrir de son œuvre l’entièreté du studio. A chaque changement de plan dès lors son œuvres sera vide son œuvre l’entièreté du studio. Rendant de même le studio un endroit d’exposition à part entière.

D’autre artistes auront plus le souci de s’introduire dans le paysage audiovisuel en restant le plus discret possible, se montrer sans être vu.
Le collectif Gala committee s’immisce dans la série «Melrose Place» ou il intègrent des accessoires avec l’accord de la production. Allant de couverture aux motifs chimiques d’un médicament abortif au sacs de fast food chinois imprimés de slogan de «Tien An Men». Ils transforment la série conformiste en modèle subversif.
Cette douce insertion au sein de la télévision tien dès lors plus de la démarche artistique que du réel message imposé de la propagande. Gala Committee s’expose mais ne cherchent à provoquer le spectateur, ils pointent le doigt sur la position passive du spectateur tout autant que sur une conformisation des manières de pensées. Juste quelques spectateurs sont donc susceptible de pouvoir être réceptif à cette œuvre.. Le collectif nous dévoile l’importance de pouvoir ne serait-ce que s’inscrire et être présent dans l’image rétinienne du spectateur, ne pas tomber dans l’oubli.D’autre artistes font le choix de s’exposer directement dans des émissions comme Mathieu Laurette qui participe à «tourner manège» où l’artiste se présente comme un artiste multimédia, faisant part de l’émission il passe outre l’appareillage médiatique et l’image de l’artiste tels quelle est donnée en se fondant dans la production même de la télévision.

Cette démarche de participation médiatique sera celle de Andy Warhol, il créera pendant les années 80 un show médiatique sur MTV la chaîne montante américaine de l’époque. Il s’agira d’un talk show des plus classiques ou alterne des stars de l’époque des clips et des reportages.
L’artiste impassible et froid, presque silencieux exprime son ennuie nous retournant face à notre vanité il choisi d’exprimer en douceur le fait qu’il n’a rien a faire là et qu’ici il n’y a rien à voir. L’artiste ne nous propose pas une télévision novatrice plus créative et interactive, il se montre dans le petit écran sans pour autant lui appartenir. Impassible Warhol va à l’encontre de la fascination pour l’image de consommation dont il a fait son œuvre s’intégrant au système télévisuelle tout-puissant.Ainsi, dès son apparition, la télévision s’est écarter du monde artistique, ayant fait quelque tentative d’insertion d’art contemporain, les artistes se trouveront rapidement relayer à un second plan, n’ayant pas dans ce média un réel lieu d’expression ils vont dès lors se retrouvé en confrontation avec ce «medium» ;
Ils cherchent par tout les moyens à s’introduire dans le jeu que ce soit de manière provocante ou de manière succincte. Certain feront la belle part au jeu médiatique d’autre s’immisceront de manière furtive voulant éviter d’être repris par la vague du «mass média».Cependant plus que d’être un lieu d’investigation pour les artistes, la télévision va aussi devenir durant la seconde partie du 20° siècle une réelle source d’inspiration. Miroir ou du moins projection des idées et des images de masse; la télévision permettra de fixer un nouveau rapport au monde, où les idées sont montré tels quel et quelque part imposer au téléspectateur par la dépendance à la petite lucarne qui va s’installer dans les foyers.
À ce titre, ce flux d’information en continu et le nombre de chaînes qui se multiplient sur la toile télévisuelle, des artistes vont eux s’attaquer à refaire le monde, à remanier les images.
Les nouvelles et les scoops se suivent; leurs images se ressemblent. Les artistes vont alors s’employer à les remettre en perspective en les retravaillant, en les disséquant.

Dès les années 50 une méfiance face aux images issues de la télévision va être perçue chez les artistes.
L’artiste Wolf Vostell va démonter la télévision, la dérégler et refilmer son écran détraqué. Il prend de la distance en grippant sa mécanique.
D’une autre manière ce grimage de la télévision se retrouve dans une œuvre comme «CNNconcatenated» de Omer Fast ou il cherche à redonner une autre parole au présentateur de CNN en lui faisant dire par montage des textes écrit par l’artiste (réécrire une réalité). Il se réapproprie ce que la télévision nous donne à voir.

Chen Shaoxiong va par la dérision et dans un jeu de montage retravailler sur l’image des attentats du World Trade Center. En rejouant la scène et en la tournant à la dérision dans un montage loufoque où le building évite les attaques terroristes aériennes. Il y a un désir de recomposer à la fois un réel et un imaginaire, la télévision s’étant imposer comme la principale source d’information dépassant l’art dans son ouverture sur l’imaginaire. Se saisir des images de la télévision et les retourner contre elle. Les artistes sont bien décidés à ne pas perdre la bataille de l’imaginaire. Toujours dans ce recyclage d’images, Dara Birnbaum va déconstruire le monde de «Wonder Woman» série culte de l’époque dans «technologie transformation: Wonder Woman». Elle cherche à provoquer un recul critique en enrayant la transformation de l’héroïne (elle provoque une répétition à outrance de l’instant où Wonder Woman se transforme), dévoilant une inquiétante situation du spectateur face au fantastique.Nourris de culture de masse d’autres artistes plus tard comme Paul Mac McCarthy n’hésitent pas à s’approprier les héros de roman ou de contes, cherchant à réutiliser cette richesse de l’imaginaire collectif. Il reprend lui aussi des personnages de fiction, se déguise et se met en scène.
A la manière de Dara Birnbaum, une inquiétante étrangeté emmane de cette performance et un certain malaise nous envahit face à ce personnage imaginaire devenu réel.
En opposition la petite lucarne nous montre une certaine réalité. Sous prétexte d’intéresser tout le monde et de ne pas choquer ce n’est pas sans zone d‘ombre que la télévision dévoile sa réalité. Un mouvement documentaire va alors s’annoncer dans le milieu artistique trouvant sons sens au milieu de cette partialité des programmes télés. Des pionnières du féminisme en 1975 comme Martha Rossler vont réaliser des reportages dénonçant le statut de la femme et son image véhiculée dans la télévision. Elle pastiche une émission culinaire et fait un inventaire des ustensiles de cuisines «semiotic of the kitchen», elle les détourne, les détruits. L’idée étant de formuler un antidote aux clichés télévisuels en se servant du même médium.
Luttant face eu images normatives, un autremoyen est donc de filmer à échelle humaine, de prendre son caméscope de filmer son quotidien. C’est ce que fera Joel Bartlomeo dans «Home Movies» qui en reprenant l’esthétique amateur montre la dureté de l’image, la cruauté du monde comme des couleurs d’une caméra bon marché.
Plus que de filmer avec des caméras amateur le français Michel Auder lui va faire de sa vie une œuvre vidéo, filmant le NY underground de Andy Warhol la caméra au poing jusqu’à nos jours ils ne cherchent pas l’esthétisme mais plus une volonté de recréer un second espace de vie.a diversité des usages de la télévision par les artistes répond à la quantité de formes qu’elle peut prendre. Ils parviennent à s’approprier un média apparemment tout-puissant et à en mettre à jour les fonctionnements, à détourner les messages tout fait qu’il délivre et à jouer avec ses codes et ses images. Par leurs gestes et leurs pratiques, les artistes nous indiquent d’autres manières de regarder la télévision et nous incitent à ne pas trop nous laisser captiver par celle-ci, sans pour autant bannir celle ci.
Des initiatives originales existent encore, par exemple en Lituanie ou le centre d’art contemporain de Vilnius produit une émission de télévision diffuser une fois par semaine sur une des chaînes privées du pays.
Néanmoins, à l’heure d’internet la télé semble moins intéresser les artistes, par de nombreux aspects cette nouvelle technologie semble recouper la télévision. Le folle espoir d’un art accessible à tous, partout dans le monde, pourrait donc être relancé.
La puissance des images ne semble pas près à se faire démentir.
Au delà des images d’actualité, c’est cependant dans le domaine du divertissement que la télévision à encore fait preuve de son influence surl’imaginaire, y compris ceux des artistes. La télé réalité nous a montré à qu’elle point il est possible de sublimer le banal, et un culte de la «peoplisation» nous envahit. Passer à la télévision serait devenue comme une échappatoire à la mort.
Face à ces images, certains artistes tirent leur épingle du jeu, Francesco Vezzoli va inviter Catherine Deneuve et Marianne Faithfull à une fausse télé réalité, célébrant le culte de la médiatisation.
Cependant nous pouvons nous poser la question de savoir si ce n’est pas la télévision qui a aidé à creuser un fossé entre la culture de masse et le monde de l’Art? L’Art serait-il plus accessible dans la petite lucarne?
La télévision apparaît comme l’une des influences majeurs pour les artistes du 21° siècle, ne cherchant pas tant à encenser ni à la condamner il s’agit plutôt d’en comprendre les mécanismes et de respecter ceux à qui elle appartient les téléspectateurs.


Mathieu Martin